Un test sanguin permettrait de prédire le risque de cancer du sein plusieurs années avant sa survenue

Un simple test sanguin actuellement en développement pourrait aider à prédire le risque de cancer du sein, plusieurs années avant le diagnostic. Mais concrètement, quelles peuvent être les conséquences cliniques de cette découverte publiée dans la revue Genome medicine

 

L’importance de l’épigénétique dans le développement des cancers

Parmi les risques de développer un cancer du sein, la mutation BRCA1 hérité d’un parent est à l’origine d’au moins 10 % des cas. La cause des 90 % restants reste à élucider. Aujourd’hui, les scientifiques commencent à comprendre que les mutations génétiques ne sont pas les seuls facteurs contribuant au développement de la maladie. Ainsi, la manière dont les gènes sont interprétés dans nos cellules peut également affecter leur fonctionnement (en les « allumant » ou les « éteignant »).

L’expression de nos gènes est supervisée par l’épigénétique. Pour utiliser une métaphore, si la génétique correspond à l’écriture des gènes (comme on écrirait une partition musicale), l’épigénétique correspond à sa lecture (chaque gène pouvant être lu différemment selon les circonstances, comme on a autant d’interprétations d’une même partition). L’épigénétique est en grande partie influencée par notre environnement : notre alimentation, notre activité physique, la pollution…

Un test sanguin permet de prédire le risque de cancer avant sa survenue

Un des témoins réversibles de l’épigénétique est un processus appelé méthylation de l’ADN (qui conditionne l’expression des gènes en les « allumant » ou les « éteignant »). Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont examiné la méthylation de l’ADN de certaines cellules sanguines (leucocytes ou globules blancs) chez 72 femmes porteuses de la mutation BRCA1 et 72 femmes sans mutations de BRCA1/2. En se basant sur l’âge, la survenue de cancer et le statut BRCA1, ils ont pu en extraire une « signature spécifique » des femmes porteuses de BRCA1 sur cet échantillon réduit. Dans le détail, la conjonction de 1 829 méthylations spécifiques de l’ADN permet de distinguer les personnes avec et sans mutation du gène. Leur hypothèse est que cette « signature épigénétique » propre aux femmes porteuse de la mutation BRCA1 peut être retrouvée chez les femmes qui vont développer un cancer de manière sporadique (sans mutation BRCA1).

Pour tester leur hypothèse, ils se sont appuyés sur un très grand nombre d’échantillons de sang de femmes, recueillis plusieurs années avant le développement d’un cancer du sein (ces échantillons sont issus de deux grandes cohortes britanniques MRC National Survey of Health and Development and the UK Collaborative Trial of Ovarian Cancer Screening). Résultat : les femmes qui ont développé des cancers non héréditaires se sont révélés avoir la même signature de méthylation d’ADN que les femmes porteuses de la mutation BRCA1. Ce test permet ainsi d’évaluer le risque de cancer du sein et de décès lié à la maladie, plusieurs années avant sa survenue. L’exactitude de ce test prédictif du risque de cancer du sein est de… 0,65 (1 étant la précision parfaite).

Quelles sont les implications cliniques ?

Le Pr Martin Widschwendter, principal auteur de l’étude résume les résultats de ces travaux : « Nous avons identifié une signature épigénétique chez les femmes avec une mutation du gène BRCA1 qui a été liée à un risque accru de cancer et un taux de survie réduit. De manière surprenante, nous avons trouvé la même signature au sein de grandes cohortes de femmes sans cette mutation et cette signature était capable de prédire le risque de cancer du sein plusieurs années avant le diagnostic« . Comment utiliser alors ce test ?

Le travail porte désormais sur l’utilisation de ces résultats dans le cadre clinique. Le Pr Widschwendter dit : « Les données sont encourageantes, car elles montrent le potentiel d’un test épigénétique sanguin capable d’identifier le risque de cancer du sein chez les femmes sans prédisposition génétique au cancer connues« . Dans la pratique, ce test pourrait être proposé aux femmes à l’âge de la ménopause, puis tous les 5 ans. Chaque évaluation du risque de cancer donnant lieu à des mesures préventives pour le réduire (conseils d’hygiène de vie, surveillance renforcée…).

Selon les chercheurs, cette découverte conforte l’idée selon laquelle des changements de l’épigénome (l’expression des gènes) des cellules immunitaires pourrait être une clé de la progression du cancer. Cette signature pourrait être responsable de la mise en sommeil de gènes dans les cellules du système immunitaire, ce qui pourrait affecter la capacité de notre système immunitaire à prévenir le développement du cancer du sein. D’autres recherches devront cependant réussir à déterminer si cette « signature épigénétique » est un « indicateur de risque de cancer du sein » ou est directement impliqué dans la progression du cancer du sein. 

David Bême

 

Sources : 

A BRCA1-mutation associated DNA methylation signature in blood cells predicts sporadic breast cancer incidence and survival – Genome Medicine 2014, 6:47 (étude accessible en ligne)

New test predicts the risk of non-hereditary breast cancer – communiqué de l’UCL – 27 juin 2014