Mammographie : toutes les réponses aux questions que l’on se pose

Par Sylvia Vaisman

 

 

Entre la crainte d’apprendre une mauvaise nouvelle et les idées reçues sur le dépistage du cancer du sein qui circulent sur internet, les « mammophobes » se multiplient. Pourtant la mammographie a fait ses preuves pour déceler des tumeurs naissantes. Il est donc temps de remettre les points sur les « i ».

Les gynécologues-obstétriciens s’alarment de la baisse progressive de participation au programme de dépistage organisé du cancer du sein. En 2017, seules 49,9% des femmes ont répondu à l’invitation de se faire contrôler, soit bien moins que le taux de 70% espéré par les pouvoirs publics. Et le nombre de mammographies prescrites directement par les médecins, hors programme, semble également s’émousser (10 à 15% des femmes de 50 à 74 ans).

Certes le dépistage uniformisé actuel n’est pas forcément idéal. Une démarche plus personnalisée est envisagée. Une étude vient d’être lancée en ce sens dans cinq pays européens (MyPeBS) pour évaluer l’efficacité d’un protocole « sur mesure », qui prend en compte le poids, les antécédents familiaux, l’âge de la première grossesse et la densité mammaire de chaque femme. Selon le degré de risque de chacune, une mammographie tous les quatre ans, tous les deux ans, tous les ans ou encore plus rapprochée pourrait être proposé. 85 000 femmes vont tester à partir de décembre 2018 ce nouveau parcours, dont 20 000 en France. Mais la mammographie reste un examen incontournable, même si elle génère quelques faux positifs (source de stress inutiles pour les patientes) et des faux-négatifs (cancers non décelés). Comme l’estime le Dr Nasrine Callet, gynécologue oncologue à l’Institut Curie, « la mammographie présente certes des inconvénients, mais on n’a rien trouvé de mieux pour le moment ».

Quand faire une mammographie ?

Hors profils à risque élevé ou très élevé de développer un cancer du sein, lesquels nécessitent un suivi médical particulier, le programme de prévention national permet aux femmes âgées de 50 à 74 ans d’effectuer gratuitement une mammographie tous les deux ans. Ces dernières sont invitées par courrier à choisir et à prendre RDV avec l’un des radiologues du département agréés dans le cadre du programme de dépistage organisé. Si vous avez 50 ans et n’avez pas encore reçu ce courrier, parlez-en avec votre médecin traitant.

Cet examen est-il douloureux ?

La mammographie est une radiographie qui permet de visualiser des tumeurs débutantes à l’intérieur des seins, de quelques millimètres à peine. Au moins deux clichés de chaque sein sont réalisés, l’un de face, l’autre d’oblique. Si les seins sont très volumineux, un troisième cliché peut être nécessaire pour analyser l’ensemble des tissus mammaires. Afin d’obtenir des images claires, les seins sont comprimés entre deux plaques, ce qui est très désagréable, voire douloureux pour certaines femmes. Cette compression est nécessaire pour étaler le sein et détecter le maximum d’anomalie. Mais elle ne dure pas longtemps : une vingtaine de secondes au maximum pour chaque image. Et contrairement aux préjugés, elle n’abime pas le sein.

Si vous n’êtes pas ménopausée, évitez de prendre rendez-vous dans les dix jours qui précèdent les règles car les seins sont plus sensibles à cette période du cycle. Ils sont moins congestionnés juste après les menstruations.

Irradier les seins n’est-il pas dangereux ?

Les rayons X délivrés ne sont pas innocents. À haute dose, ils peuvent induire des mutations dans les cellules, donc donner naissance à une tumeur maligne, d’où une certaine méfiance envers la mammographie. Induire un cancer en cherchant à le dépister… ce serait un comble ! Mais ce risque est très faible selon les radiologues. Les doses de rayonnements reçus par la glande mammaire pour un examen complet sont trois fois moins élevées que l’irradiation générée par une radio des lombaires et treize fois moins que celle d’un scanner abdominal. Une mammographie annuelle entre 40 et 80 ans augmenterait le risque de cancer de seulement 0,03%. Quand on sait que le dépistage organisé réduit de 20% la mortalité par cancer du sein, selon l’Institut national du cancer (Inca), la balance bénéfice/risque semble incontestablement pencher du bon côté.

Quels sont les risques du surdiagnostic ?

Les équipements d’imagerie médicale étant devenus plus performants, les fausses alertes ne sont pas rares. Beaucoup d’anti-mammo fustigent les traitements inutiles effectués pour éradiquer des nodules cancéreux qui auraient pu disparaître tout seul (5 chirurgies effectuées pour des cancers non évolutifs pour 1000 femmes dépistées). D’après les épidémiologistes du groupe Cochrane, « sur 2000 femmes régulièrement dépistées, une seule évitera un décès par cancer du sein et 10 seront traitées pour rien ». Mais ce chiffre reste très controversé. Et les oncologues ne disposent pas encore d’outils fiables pour distinguer les nodules capables de régresser spontanément et ceux susceptibles d’évoluer en cancer.

 

Pourquoi doit-on souvent passer une échographie en plus de la mammographie ?

Les femmes dont les seins sont denses et fibreux, peu transparents aux rayons X, se voient systématiquement proposer une échographie après la mammo. L’échographie permet de sonder les seins par ondes sonores et de différencier par exemple une masse liquide d’une masse solide. Cet examen est complémentaire de la mammographie, il ne peut pas s’y substituer. Il ne perçoit notamment pas les micro-calcifications, évocatrices de cancers.

 

L’autopalpation des seins permet-il d’échapper à la mammographie ?

Non. Les micro-calcifications sont des lésions très petites (moins de 1mm) quasiment impossibles à détecter à la palpation. Une asymétrie de densité dans la glande mammaire ou une distorsion architecturale ne peuvent pas non plus être repérer avec les mains. Mais la palpation reste fort utile, dans la mesure où certaines régions de la poitrine – comme l’arrière du mamelon ou le haut du sein – sont peu explorées par la mammographie.

Prothèses mammaires et mammographie font-elles bon ménage ?

Les risques de rupture de prothèse sont infimes, sauf si celle-ci est en mauvais état. Il faut bien sûr prévenir l’opérateur afin qu’il adapte la procédure de compression des seins. Il réalisera en outre un cliché supplémentaire de face après avoir refoulé l’implant pour apercevoir le maximum de tissus mammaires possible, car l’implant est opaque aux rayons X. Une échographie vient généralement compléter la mammographie. En cas de doute sur l’intégrité des prothèses, une imagerie par résonnance magnétique (IRM) est préférable pour éviter que le silicone ne se répande.

Une étude américaine de l’université de Washington vient de prouver que le port de prothèses mammaires n’empêche pas le diagnostic du cancer du sein. Selon leurs travaux publiés en avril dernier dans la revue Plastic and Reconstructive Surgery*, les tumeurs décelées chez les porteuses de prothèses sont même en moyenne plus petites (1,4 cm) que celles identifiées chez les autres femmes (1,9 cm). En revanche, le taux de détection par mammographie s’avère plus faible : 77,8% pour les seins avec implants, contre 90,7% en l’absence d’implants. Une palpation régulière est donc requise pour les porteuses de prothèses mammaires.

Quelle différence entre la mammographie classique et la mammographie 3D ?

Les mammographes 3D par tomosynthèse sont dotés d’une plus grande sensibilité que les mammographes 2D, même numériques. En visualisant le sein sous de multiples angles et par tranches successives de 1 mm, ils peuvent détecter des tumeurs invisibles à la 2D, surtout en cas de seins denses. Les oncologues de la faculté de médecine de Pennsylvanie estiment qu’ils décèlent 29% de cancers en plus, notamment de tumeurs mammaires invasives (+41%). Le taux de faux négatifs et de faux positifs est donc réduit (d’environ 15%), ce qui évite les biopsies inutiles qui sont toujours génératrices d’angoisse. Revers de la médaille : la prise d’images en 3D émet un peu plus de rayons qu’une mammographie conventionnelle. Ces équipements derniers cris se multiplient en France mais ne sont toujours pas autorisés dans le cadre du programme organisé de dépistage du cancer du sein.