Elles ont moins de 30 ans et ont un cancer du sein

Par Sylvia Vaisman

Publié le 05/10/2018

Quand on pense au cancer du sein, on imagine souvent des dames ayant passé 50 ans. Or nombre de tumeurs mammaires sont décelées chez les moins de 30 ans. Le diagnostic tombe tel un couperet chez ces jeunes femmes en pleine construction de leur personnalité et qui fourmillent de projets d’avenir.

L’âge moyen de détection d’un cancer du sein avoisine 61 ans, mais il est de moins en moins rare de voir de jeunes patientes dans les services spécialisés en oncologie mammaire. Si les chiffres disponibles semblent sujets à caution – certains experts estiment que 6% des cancers du sein concernent les moins de 35 ans, d’autres évoquent 10% -, une chose est sûre : ils sont en constante augmentation depuis l’orée des années 2000 ! Selon une étude américaine réalisée à l’hôpital de Seattle, les cas de cancer du sein avancé progressent de plus de 2% par an chez les 25-39 ans. Cette hausse s’observe dans tous les groupes ethniques, aussi bien en ville qu’à la campagne. La tendance serait identique en Europe.

Des tumeurs agressives

Elles sont jeunes, coquettes, en début d’ascension professionnelle, à un âge où tous les espoirs sont permis… Et soudain, leur vie vole en éclats avec l’annonce de la maladie. « J’avais alors un enfant en bas âge et j’étais totalement abasourdie, pas à ma place, comme si je n’étais pas concernée », témoigne Mélanie, trentenaire, qui a subi un traitement très lourd et une mastectomie. À la fleur de l’âge, les hormones sont en ébullition. « Les cancers chez les jeunes femmes s’avèrent alors souvent agressifs car leurs seins sont soumis à un flot d’œstrogènes important, explique le Dr Nasrine Callet, gynécologue oncologue à l’Institut Curie qui suit beaucoup de jeunes patientes. Comme leurs glandes mammaires sont actives, les cellules cancéreuses s’y multiplient rapidement ». Résultat : les traitements prodigués sont puissants et les effets secondaires difficiles à supporter autant physiquement que moralement. « Ce n’est pas normal d’avoir un cancer du sein à cet âge-là », déplore Julie Meunier, frappée à 27 ans d’une tumeur hormono-dépendante extrêmement coriace. Elle ne s’en est sortie qu’après deux opérations, 24 chimiothérapies et 40 séances de radiothérapie.

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Pourquoi ces cancers si jeune ?

Certaines tumeurs sont d’origine génétiques. Quelques femmes héritent ainsi d’un gène de prédisposition (BRCA1 ou BRCA2, et plus rarement PALB2), inscrit sur leurs chromosomes, qui démultiplie leur risque de développer un cancer mammaire*. Mais ce ne sont pas la majorité : moins de 10% correspondent à ce cas de figure qui nécessite une surveillance rapprochée ou une chirurgie préventive. Le tabagisme, le manque d’activités physiques, une alimentation déséquilibrée, la prise précoce d’une contraception hormonale – avant que les seins soient totalement développés –, le surpoids et le recul de l’âge de la première grossesse peuvent être en cause. « Ces facteurs favorisants sont connus mais ils ne sont pas systématiquement retrouvés chez les patients », note le Dr Callet. La hausse du nombre de diagnostic et l’amélioration des équipements d’imagerie médicale (IRM, mammographes,) permettent de déceler désormais des tumeurs dans des seins jeunes – donc denses – que l’on ne pouvait pas identifier auparavant. L’omniprésence des perturbateurs endocriniens dans notre vie quotidienne (aliments, vêtements, produits d’hygiène,…) est également incriminée. Mais faute d’études suffisantes, il est difficile de déterminer la part réelle de leur responsabilité. Le mystère reste entier.

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La nécessité d’une prise en charge spécifique

« J’ai ressenti une grande solitude à l’hôpital car toutes les femmes autour de moi étaient beaucoup plus âgées, se souvient Mélanie. Aucune ne partageait mes préoccupations. Elles se demandaient ce que je faisais là ». « La prise en charge des jeunes patientes est particulière dans la mesure où la transformation de l’image corporelle est plus difficile à cette période de la vie, estime Nasrine Callet. Le regard des autres est parfois cruel. Il faut aussi aborder la question de la sexualité et de la préservation de la fertilité. Les traitements contre le cancer du sein endorment les ovaires. Ces derniers reprennent souvent leur activité après, mais pas toujours. Chez certaines, les règles réapparaissent sans qu’aucune ovulation ne se produise à nouveau ». Pour anticiper cet écueil, les oncologues adressent les jeunes femmes à un service de procréation médicalement assistée (PMA) afin de procéder à un prélèvement d’ovocytes en vue d’une grossesse ultérieure. Une petite stimulation hormonale est réalisée pour prélever plusieurs ovocytes en même temps. Ceux-ci seront immédiatement congelés (technique dite de la vitrification). Les femmes en couple peuvent bénéficier quant à elles d’une fécondation in vitro. Les embryons obtenus sont alors congelés, et non les ovocytes, ce qui assure un taux de réussite plus élevé car tous les ovocytes ne survivent pas à la décongélation.

« En congelant mes ovocytes, j’ai pu avoir un enfant après mon cancer »

Quand vous avez un cancer du sein jeune, il faut en outre pouvoir concilier les soins et les contraintes familiales et/ou professionnelles. Quelques établissements commencent à s’adapter à cette nouvelle donne, comme l’Institut de cancérologie de Seine-et-Marne qui propose des consultations et des séances de radiothérapie tôt le matin (dès 7h30) et en soirée (20h30). Un livret « la radiothérapie expliquée aux enfants » est également disponible pour que les petits puissent mettre des mots sur les épreuves que traversent leur maman.

« On vous guéri du cancer mais on ne vous explique pas beaucoup ce qu’il va se passer après, constate Julie. Je sais que je ne serai peut-être jamais maman bien que cinq ovocytes congelés m’attendent. Cinq, ce n’est pas beaucoup, mais ils sont importants pour moi psychologiquement. Ils représentent un espoir possible ». Certaines femmes n’ont pas cette chance car elles ne sont pas tombées sur un médecin qui a pris le temps de bien leur expliquer la démarche. « Je conseille d’aller toujours à deux aux premiers rendez-vous chez l’oncologue, insiste Julie. Comme on est sous le choc de l’annonce de la maladie et des traitements, on n’entend pas tout et on ne retient pas toutes les informations ». Sur le moment, les jeunes femmes ne pensent qu’à la guérison, mais après elles regrettent amèrement. Et si le médecin n’aborde pas le sujet malgré l’obligation légale, il faut oser en parler à son oncologue et lui poser toutes les questions qui vous tracassent.

Les réseaux sociaux, une bouffée d’air

« Internet a été un grand soutien car c’est là que j’ai pu entrer en contact avec des jeunes femmes qui traversaient la même preuve que moi », observe Mélanie qui vit non loin de Chartres. De nombreux sites, comptes Facebook et Instagram dédiés permettent en effet aux patientes touchées d’échanger des informations et des adresses utiles pour sortir de l’isolement et partager l’espoir (www.monreseau-cancerdusein.com). Quelques anciennes patientes sont même devenues militantes et affichent sur les réseaux leur corps mutilés et leurs tatouages qui masquent les cicatrices. Décomplexées, elles brisent le tabou et se revendiquent Amazone, plutôt que de recourir à la reconstruction mammaire.

Laure, 47 ans : « Avec Mon réseau cancer du sein, je lutte contre l’isolement »

D’autres misent sur la bonne humeur ou sur le sport pour transcender la maladie, à l’instar des Dragon ladies qui pagaient ensemble pour se réconcilier avec leur corps et relever des défis inouïs (www.phoenixetdragons.com).

« La maladie m’a aussi donné un coup de pied aux fesses, remarque Julie. J’ai failli ne pas m’en sortir mais à l’arrivée, cela m’a permis de vivre mes rêves ». Comme son cuir chevelu était abîmé par les traitements, Julie ne pouvait pas mettre de perruque. Du coup, elle portait des turbans qu’elle customisait avec une frange de cheveux naturels en trompe l’œil. « Beaucoup de gens adorait mon look sans savoir que j’étais malade, se remémore la jeune niçoise. J’ai voulu faire profiter les autres femmes de mon astuce car il est important de conserver sa féminité ». Elle a ainsi créé Les Frangynes, des turbans et des franges de toutes les couleurs adaptées à l’alopécie. Plus stylées et moins chères qu’une perruque**, ses accessoires n‘étaient, au départ, disponibles que sur son site internet www.lesfranjynes.com. Ils sont désormais distribués à travers 40 points de vente. « J’ai abandonné ma carrière de juriste pour me consacrer à ce combat et monter mon entreprise car j’ai toujours voulu travailler dans la mode », confie la jeune femme.

Près de Marseille, Fanny, atteinte d’un cancer du sein invasif à 26 ans, a fait le deuil de sa longue chevelure bouclée en créant www.entrenoue.com, des turbans foulards très colorés, pratiques et confortables. Quant à Mélanie, elle refait surface grâce au soutien de son mari et de son compte Facebook CoquettesFaceAuCancer. « J’essaie à mon tour de rendre le sourire aux malades et de les couvrir de petits cadeaux ». Une belle façon de donner du sens à son cancer.

* Le risque de développer un cancer du sein avant 50 ans est de 45% chez les femmes porteuses du gène BRCA1 et d’environ 35% chez les porteuses du gène BRCA2 selon l’Institut Curie

** de 80 à 120€ la Frangynes, dont une partie versée pour la recherche contre le cancer, contre de 300 à 3000€ pour une perruque.

Mot de la créatrice

Hello, moi c’est Julie et je suis la créatrice des FRANJYNES, une alternative à la perruque.

Les Franjynes, ce sont des prothèses capillaires : de jolies franges de 8 couleurs différentes : blond doré, blond platine, brun, châtain, châtain foncé, auburn, roux et blanc, ainsi que 3 formes différentes du raide au bouclé disposant d’un système breveté afin de tenir sur les têtes sans cheveux. Le tout toujours accompagné d’un beau turban, car l’un ne va pas sans l’autre. Ce sont des frangins… enfin des Franjynes 😉

D’où me vient cette idée ? En deux mots, à l’âge de 27 ans, j’ai eu un cancer du sein de grade III. Oui, je sais, j’avais presque autant de chance qu’une météorite me tombe sur la tête !

Je ne supportais pas les perruques et la sensation de me coiffer me manquait. J’ai donc commencé à me nouer des turbans sur la tête : mieux qu’un traitement, cela a eu un vrai effet thérapeutique ! On ne me regardait plus parce que j’étais malade ni parce que je souffrais d’alopécie à cause de la chimiothérapie mais parce que j’avais un look original.

Plus qu’une alternative à la perruque, LES FRANJYNES, ce sont les sœurs de combat. C’est aussi une communauté avec beaucoup d’entraide et de partage.

Parce que mon rêve, c’est de rebooster le moral de mes protégées, de toutes les femmes et les enfants malades. Le moral, il est essentiel pour affronter les traitements qui eux sont essentiels à la guérison. Avec pour objectif, que vous fassiez de cette parenthèse désenchantée et de cette différence votre plus grande force !